J’ai toujours aimé voir d’en haut, regarder par-dessus.

Le point de vue en hauteur, en plongée, aplatit les perspectives et donne l’impression d’un monde en miniature. La composition graphique, très construite, fait aussi partie de ce que je recherche dans mes photographies. C’est tout naturellement que, lorsque je me promène, je cherche à prendre de la hauteur, pour pouvoir regarder en bas.

 

La promenade des Anglais qui surplombe les plages offre par endroits un point de vue intéressant.

En été la chaleur est écrasante et la ville est envahie, les plages pourtant vastes ne laissent guère de galets apparents. Les Niçois se font discrets. Mais quand la haute saison touristique se termine, la Promenade se vide, les plages aussi. Les structures des plages privées sont démontées laissant des pans de béton brut, vides, désolés sur les plages, les habitués peuvent à nouveau occuper la place pour profiter du soleil printanier ou automnal, de la douceur de la lumière.

 

Les plages de l'Est de Nice sont très prisées par les Niçois. Ils viennent s'y baigner depuis des lustres. Leur fréquentation est une tradition locale très ancienne. Ces plages font partie de leur patrimoine et les habitués s’y retrouvent toute l’année. Seuls ou à plusieurs, pour bronzer, lire, prendre le café, casser la croûte, voire jouer du piano ! D’une saison à l’autre, j’ai pu observer les mêmes personnes installées là, reconnaissant leur maillot de bain ou leur serviette. C’est tout un pan de l’histoire locale et discrète, bien loin des clichés sur la Côte d’Azur, que racontent ces photos.

 

J’ai plus particulièrement observé pendant plusieurs basse-saisons (d’octobre à avril) deux endroits intéressants.

L’un se situe tout au bout de la Promenade, juste avant Rauba Capeu (petite pointe dont le nom signifie « vole le chapeau ») à l’endroit où se trouve durant la saison haute la plage privée du Castel, qui, lorsque celle-ci est démontée, laisse de grandes dalles de béton qui sont très prisées des Niçois. 

L’autre « plage » est située un peu avant le port, sous la digue et à l’emplacement de l’ancienne plage de la Paillole aujourd’hui disparue sous les eaux. De gros blocs de béton soutiennent la digue. Les habitués ne se lassent pas de s’y étendre. 

 

J’aime regarder ces personnages, vus de dessus, qui vaquent à leurs occupations sur ces plages de béton. Dans le cadre, ils sont isolés sur un fond de béton. La lumière est écrasante, omniprésente. Les personnages, en maillot de bain se détachent sur ces fonds que la lumière fait passer du gris à l’ocre. Ou peut-être se perdent-ils dans ce fond ?

Le contraste est double : les couleurs vives et saturées des personnages s’opposent à la couleur du béton ; et ce fond gris, rugueux, dur, semble en contradiction avec la fragilité des corps, relativement presque nus.

 La lecture de l'image n'est pas directe, elle est ambiguë, celui qui regarde peut se perdre avant de comprendre ce qu'il regarde : sommes-nous face à un mur ? Les personnages sont-ils la continuité de l'arrière-plan ?

Vue de l'exposition lors des 9e Rendez-vous • Image à Strasbourg.
Vue de l'exposition lors des 9e Rendez-vous • Image à Strasbourg.